vendredi 6 avril 2012

Madame Roman – Thyde Monnier

Madame ROMAN, 85 ans, habite un petit bourg provençal et mène une fin de vie calme et paisible. Elle aime se rendre à son cabanon pour profiter du soleil, échanger quelques paroles avec les villageois qu’elle croise, faire des repas frugales de ce qu’elle cueille dans son jardin. 
Elle passe surtout de longues journées à se remémorer ses souvenirs : Malgré son apparente quiétude, la vieille dame garde un lourd secret qui la ronge et dont elle s’est jurer d’emporter avec elle.
Par des tournures de phrases familières et quelques mots de patois provençal (qui peuvent au départ déstabiliser), Thyde Monnier nous dépeint des scènes criantes de réalisme et des personnages attachants. Elle évoque les charmes de la campagne, une vie simple et saine, remplies de petites douceurs quotidiennes.
A la veille de sa mort, l’existence tranquille de la narratrice contraste avec les révélations qu’elle distille au fur et à mesure … Elle évoque tour à tour son enfance difficile, sa jeunesse pleine d’espérances futures, son amour inconditionnel, sa loyauté pour son mari, les différentes époques de sa vie de femme. On réalise tout poids de ce qu’elle a enduré par la terrible confession de son époux.
En mettant à l’honneur l’inéluctable déclin de la vieillesse, ce roman d’une grande maturité, est une superbe ode à la vie.

Extrait :

Il est brave, cet Alphonse Giraud que tout le monde dit « Fonse l’aïguadier », parce que c’est lui qui nous distribue l’eau. Sa petite, je l’ai vue dimanche, une minute où toute changée de propre, elle tripotait à la fontaine de la place et sa mère ya claqué le derrière. Et elle criait ! C’est pas la voix qui lui manque. Ni le derrière. Elle vous a des ces fesses comme du marbre rose et la main de sa mère y avait a marqué les cinq doigts en rouge. Le sang y est à fleur, sous la peau de ces petits. C’est pas comme moi où il s’est retiré si profond qu’on en voit plus la couleur. OU seulement alors, dans une grosse veine bleue en racine de romarin qui m’a poussé du poignet vers les doigts et le jour où y séchera, ce romarin, ce sera fini pour Clarisse Roman… Clarisse, elle s’appelle aussi, la petite de Fonse. Combien y a d’années que plus personne m’appelée Clarisse ? Depuis que Cyprien est mort. Mais y avait déjà trente ans qu’il me disait « Maman », pareil que les enfants. Y a rien que quand on est jeune qu’on a un prénom. Et même d’abord, on l’a pas. On est « Bébé » ou « la petite » ; plus grande, à l’école, j’ai été « Clarisse Barges », puis « Clarisse Roman », puis « la mère », puis « la grand-mère », puis plus rien puisqu’ils sont partis, qu’ils sont tous morts. Maintenant je suis madame Roman pour tout le monde. Je m’appelle madame Roman : Pas plus.
Quand on prend de l’âge on perd son prénom, on perd ses dents, on perd ses yeux, on perd le brillant du visage, on perd le sang des lèvres, tout ce qui vous rendait belle à vingt ans. Et les gens alors, qui parlent de vous, y disent : « La veille », pas plus. Et il faut accepter l’humiliation ou aller au cimetière. Et ce sera bientôt, parce que j’ai quatre-vingt-cinq ans et que c’est un âge. Y faut passer par là et par la porte. La porte qui se rouvre jamais plus.  

Disponible chez Livres & Occasions 




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